Le président de la République a annoncé ce matin qu'il n'accorderait aucune grâce collective cette année.
Dans la foulée, la ministre de la Justice, Mme Rachida Dati, a indiqué qu'en contre partie seraient relancées les mesures d'aménagement de peine.
Certes nul ne peut contester qu'il est préférable de prononcer des aménagements de peine, qui s'accompagnent de mesures de contrôle adaptées et reposent sur un projet individuel, ce, tant pour la personne qui en bénéficie que pour la société qui est ainsi mieux protégée. Nul ne niera par ailleurs qu'elles sont plus respectueuses de l'autorité de la chose jugée.
M. Devedjian ajoutait ce matin sur les ondes que relâcher des délinquants au prétexte que nos prisons sont indignes l'était précisément aussi ; ce qu'il convenait de faire était de rendre les prisons dignes.
Reste qu'en attendant l'avènemenent des résultats de cette double politique de relance des aménagements de peine et de remise à niveau des établissements pénitentiaires, des gens vivent dans des conditions totalement indignes, s'entassent pour purger des peines qui, trop souvent, n'ont aucun sens, puisque rien n'est fait et rien ne peut être fait pour qu'elle les amène sur les chemins d'une insertion sociale et de l'arrêt, pour certain, de véritables carrières délinquantes.
Quant aux aménagements de peine, il ne suffit pas de décréter la relance pour qu'elle se réalise. Certains, comme la CNCDH, suggèrent que l'on instaure un système de libération probatoire automatique. Un tel système qui ferait disparaître toute individualisation serait aussi inadéquat et pour la même raison, que l'étaient les grâces collectives automatiques "en aveugle".
Ce qu'il faut est au contraire de réfléchir à nouveau aux conditions d'obtention des aménagements de peine, en créer sans doute de nouvelles formes, mais avant tout les crédibiliser (tout autant que, ab initio, les peines restrictives probatoires) au moyen de créations de postes en nombre. Il convient aussi de réfléchir aux points de blocage, aussi bien dans les procédures, dans les formations des uns et des autres (moins d'empirisme, plus de connaissances criminologiques.. ; plus d'avocats connaissant l'exécution des peines...) et simplifier un domaine juridique qui risque de devenir bientôt aussi abscons pour "le terrain" que certains pans du droit international privé.
Tout ceci nécessite de la réflexion, donc du temps et une volonté forte.
Relevons surtout que mener une politique répressive consistant à incarcérer toujours plus et pour toujours plus longtemps sans parer à l'urgence vitale que constituent les conditions , indignes pour la République, de nos prisons et spécialement de nos maisons d'arrêt est rien de moins qu'irresponsable.
Irresponsable parce qu'inhumain : nous risquons à présent plus que jamais une condamnation pour violation de l'article 3 de la CEDH.
Irresponsable parce qu'inefficace : la délinquance et sa forme aggravée que constitue la récidive ne seront combattues que lorsque ses causes (protéiformes, complexes, qui questionnent notre société dans ses fondements et son fonctionnement) seront elles-mêmes combattues, ce qui nécessité un courage qui n'est pas de ce monde politique...
Ce n'est pas ainsi que nous serons plus en sécurité.